Qui considère que Dieu est «un tout petit être conservateur, capable d'envoyer les fillettes en enfer uniquement parce qu'elles fréquenteraient l'école» ? Les talibans, dont Malala Yousafzai dressait le portrait en juillet 2013 au siège des Nations unis. Un an avant, âgée de 15 ans, elle recevait une balle dans la tête tandis qu'elle voyageait dans un bus scolaire au Pakistan. Le tireur était un taliban. Il la visait parce que depuis ses 11 ans, Malala Yousafzai militait pour l'éducation universelle.
Au Bonheur des discours, est un livre dense sous-titré «recueil de discours historiques, inattendus et farfelus», mais il compte moins de fantaisie que de textes solennels. Au rang des allocutions qui font sourire se trouve celle de l'actrice Tilda Swinton, chargée par son ami David Bowie de parler en son nom, et en son absence, à l'occasion de la rétrospective que consacrait le Victoria and Albert Museum à la vie et à la carrière de l'auteur de Life on Mars. Tilda Swinton remercie le chanteur d'avoir débroussaillé le chemin des excentriques : «Tu nous as fait surgir par la porte dérobée, telle une légion de vieux allumés […]. Un cortège d'âmes solitaires et de minettes et de dandys et de boulets, de brêles et de burnes et autres populations testiculaires.» Bowie tenait à ce que son amie case cet adjectif incongru dans son allocution, mission accomplie.
Plus loin se trouve un discours de remerciement rédigé par Kermit la grenouille dans un pur esprit pataphysicien. L'auteur de l'exercice de style est le recteur d'une université de Long Island, réputée pour ses programmes environnementaux. En 1996, ce farceur doué d'un sens aigu de la communication décidait de décerner un doctorat honoris causa à l'animal. Le jour de la remise de son diplôme, Kermit s'adresse chaleureusement aux étudiants : «Lauréats de la promotion 1996, vous n'êtes plus des têtards. Patauger dans le petit bassin, c'est fini. Jetez-vous à l'eau maintenant. […] Savourez bien la vie, et merci beaucoup.»
Tonalité très différente : celle d'un discours sur le «Mal» tenu par le poète Joseph Brodsky aux Etats-Unis en 1984, trois ans avant sa réception du Nobel de littérature. Il avait été arrêté et déporté pour antisoviétisme, et se souvient de la «compétition socialiste de débitage de bois amassé dans la cour» que les gardiens de la prison avaient organisé, un matin. Il termine en se disant gêné d'aborder le sujet du Bien et du Mal en conférence. Il pèse ses mots, car «se trouvent également parmi vous de potentiels oppresseurs, et c'est une mauvaise stratégie que de divulguer à l'ennemi les secrets de la résistance».