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Libération
Critique

Cecil Beaton, mémoires d’un dandy

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Dans «les Années heureuses», le photographe britannique dépeint le Paris de l’après-guerre au gré de ses portraits des gloires de l’époque, de Cocteau à Picasso. Et évoque longuement sa passion platonique pour la divine Garbo, qu’il accompagne de New York à Los Angeles.
Greta Garbo photographiée par Cecil Beaton pour «Vogue», en 1946. (Photo Conde Nast via Getty Images)
publié le 29 avril 2020 à 17h06

Quand le même homme a plusieurs talents qu'il développe avec snobisme et légèreté, c'est agaçant mais c'est excitant. Le photographe anglais Cecil Beaton a enluminé des mannequins pour Vogue, fait des portraits fameux de Truman Capote, de Cocteau, de Churchill, de Garbo, été choisi et anobli par la famille royale britannique, créé des décors de théâtre et de ballets, et, comme si ça ne suffisait pas, il a tenu de 1922 à 1974 un excellent journal publié en six volumes, un septième, posthume, étant constitué de passages expurgés. Les Belles Lettres republient les Années heureuses, le troisième volume, allant de 1944 à 1948 (et publié en 1972). Il s'ouvre sur un champ de ruines et sur les prémices de ce qu'on appellerait aujourd'hui, avec une emphase et un esprit de sérieux dont l'esprit britannique de Beaton est naturellement dépourvu, «le monde d'après». Il va de Londres à Paris, du front des Ardennes à New York, pour aboutir et se dissoudre, sur 200 pages, de Park Avenue à Beverly Hills, dans le naturel sauvage de Greta Garbo.

En 1944, il a 40 ans. Le journal débute en septembre, tandis que «ces abominables V2 qui viennent d'on ne sait où ont causé de nouveaux ravages à Londres depuis mon départ (il y a près d'un an) pour l'Extrême-Orient», où un magazine l'avait envoyé. En escale à New York, il y a fêté la Libération de Paris et admiré la vie. Le voilà dans un pays, le sien, «où la guerre est plus totale que jamais ; les privations s'ajoutent a