Ces 30 textes d'Alberto Manguel - courts, clairs et denses, comme les aimait Borges - forment une arche de Noé. L'écrivain argentin et canadien, barbu comme le patriarche, embarque à son bord des créatures imaginaires qui l'ont fait vivre et rêver, réjoui et inquiété, depuis son enfance. On connaît ou on croit connaître la plupart. Il y a Alice, le Petit Chaperon rouge, Superman, Frankenstein, Dracula, Faust, Jonas, Emile, Robinson Crusoé, le capitaine Nemo, la Belle au bois dormant, Quasimodo et Satan. Il y a des seconds rôles qui sont beaucoup plus que des faire-valoir : Charles Bovary, l'ennuyeux mari d'Emma ; Casaubon, l'ennuyeux mari de Dorothea dans Middlemarch de George Eliot ; le grand-père de Heidi, qui vit seul et atrabilaire dans la montagne ; Queequeg, l'Indien harponneur de Moby Dick ; Jim, l'ami noir de Huckleberry Finn ; Cid Hamet Ben Engeli, le prétendu auteur maure de l'histoire de Don Quichotte ; Long John Silver, le terrible marin assassin et unijambiste de l'Ile au trésor. Il y a enfin des personnages qui conservent de bout en bout leur mystère, comme la Sage Elise de Grimm, qui pleure à la cave en imaginant qu'un piolet planté dans le plafond tuera son futur fils, et Wakefield, le héros ordinaire de Hawthorne, qui sort un jour de chez lui pour ne plus y rentrer pendant vingt ans et habiter anonymement dans l'immeuble d'en face, sans qu'on sache jamais ce qui l'a poussé à s'absenter ainsi de sa propre vie. Alberto Manguel conte ce qu'ils
Interview
Alberto Manguel : «J’oublie les têtes de mes amis, pas mes lectures»
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Alberto Manguel en novembre 2019 à Paris.
(Photo Edouard Caupeil. Pasco)
par Philippe Lançon
publié le 8 mai 2020 à 17h56
(mis à jour le 14 juin 2020 à 14h46)
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