Ironie et légèreté. Pas de sexe, rien de scabreux ou qui offense la pudeur, comme on disait autrefois. Pas de politique. Les débuts du New Yorker, en 1925, sont chancelants, mais le fondateur, Harold Ross (1892-1951), sait ce qu'il ne veut pas lire dans son magazine. Quand il fait appel à Janet Flanner (1892-1978), dès l'année de la fondation, il donne «une seule directive […], il voulait savoir ce que les Français pensaient qu'il se passait en France, et non ce que j'en pensais, moi». Janet Flanner le raconte en 1972, lorsqu'elle introduit le recueil de ses «Lettres de Paris» bimensuelles des années 1925-1939 (Chroniques d'une Américaine à Paris, Mazarine 1981 et Tallandier 2011). Elle ajoute : «Ce que je savais que Ross voulait que j'écrive, et ce que je souhaitais écrire moi-même, devait être exact et précis, très personnel, coloré et descriptif.»
Il y a là une contradiction. Janet Flanner a beaucoup d'esprit, qu'elle exerce dans ses lettres : pour cette raison, la journaliste Jane Grant, la femme de Ross, la recommande comme correspondante à Paris, ce qu'elle sera pendant un demi-siècle. Avoir de l'esprit constitue déjà un prisme particulier. Selon la réalité décrite, la qualité peut devenir un défaut. Dans le cas de Janet Flanner, «très personnel» signifie exercer le journalisme en écrivain. Ainsi peut-elle être tentée de sacrifier la précision d'un fait à la précision de la phrase.
Paris est une guerre, recueil des «L