On a choisi ce livre pour ses couleurs où mer et ciel se confondent dans un bleu venu d’ailleurs. Un bleu presque étrange qui s’écrase sur le sable et se retire avec ses mystères. En arrière-plan, une végétation luxuriante. Une sensation de sérénité. Nous sommes sur une île sauvage au sud du Japon, dans l’archipel Yaeyama. Les scènes de la vie quotidienne se déroulent avec nonchalance, les enfants courent après les bateaux, le soir, les verres de Saké débordent sur les tables. On peut alors se raconter des histoires comme celle de Yukio, l’enfant des vagues, inspirée d’une légende traditionnelle japonaise.
C’est l’histoire d’un corps qui n’était pas à sa place, «comme s’il s’était trouvé par erreur parmi les hommes». A sa naissance, Yukio «était si petit qu’il tenait dans la paume d’une main». Si fragile sur terre, l’enfant se révèle dans la mer. Emu par la beauté des profondeurs, il observe les coquillages, les bulles d’air qui s’échappent à marée basse, nage aux côtés des tortues marines qu’il ne peut plus quitter. «On les dit âgées de plusieurs milliers d’années, et l’on raconte que l’île elle-même serait en réalité la carapace d’une tortue plus vieille encore et immense, sur laquelle les arbres auraient poussé.» Il y a tant de poésie dans ce récit qui explore le thème du corps, de la différence, de la séparation et de la nécessité d’écouter sa vraie nature. Douceur et nostalgie s’échappent des illustrations réalisées par Karine Daisay, comme si on scrutait l’horizon, un souvenir lointain. L’auteur de ce conte, Jean-Baptiste Del Amo, auscultait déjà dans ses romans pour adultes Une éducation libertine, Goncourt du premier roman en 2009, et Règne Animal, le thème du corps, de la chair qu’on malmène, qu’elle soit humaine ou animale.