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Libération
Critique

La brigade des murs

Un thriller catastrophe de Tatiana de Rosnay
publié le 3 juillet 2020 à 17h21

Empreinte des lieux, mémoire des murs, secrets et ambiance catastropha-survivaliste, avec un rien de Big Brother : pas de doute, on tient là un opus de Tatiana de Rosnay, super poids lourd en vente par millions au côté de qui tu sais, qui avait écrasé le milieu littéraire en 2007 avec le très fameux Elle s'appelait Sarah (2007), vendu à neuf millions d'exemplaires dans le monde et porté à l'écran en 2010.

Elle venait de découvrir, à près de 45 ans, «le douloureux épisode de la rafle du Vél d'Hiv», et s'était trouvée «effondrée par le destin tragique de ces 4 000 enfants juifs, dont la plupart étaient nés en France». Que là, on s'en va parler de la planète apparemment dans quelques années, avec du terrorisme, des catastrophes naturelles et, semble-t-il, la peste brune qui a envahi le monde. Bon.

Les Fleurs de l'ombre, donc, vient s'ajouter à la onzaine de romans publiés par l'auteure bilingue, comme la plupart de ses personnages (ainsi ce fut Kristin Scott Thomas, formidable actrice égarée dans Elle s'appelait Sarah, qui jouait le rôle principal /miroir), née en 1961. Celui-là aussi pourrait faire un blockbuster catastrophe, comme le dernier Sentinelle de la pluie, où on découvrait l'existence des crues, aurait pu (et dû ? Avec Jane Birkin en rôle-titre ?).

1 - OK Google, balance le pitch

Pour faire court, le personnage, auteure parfaitement bilingue (comme Beckett et Green un peu, tu vois l’idée ?) d’un roman à succès sur Virginia Woolf ET Romain Gary (suicidés tous les deux, importance de la chambre à soi, mémoire des murs, tout ça), quitte son mari (numéro 2) infidèle, se trouve une piaule dans une résidence reconstruite sur les ruines de l’apocalypse post-attentat contre la tour Eiffel, mais surveillée dans le cadre du programme CASA (m’en demande pas plus, j’ai rien compris), parle avec sa OK Google qui s’appelle Mrs Dalloway et l’auteure- personnage Clarissa, évidemment, si tu suis. Elle a des relations très fortes avec sa fille et sa petite-fille, un fils mort, un père super drôle mais vieux, a des caméras dans sa chambre, du coup ambiance thriller, mais quoi, mais qu’est-ce, qui est cette lectrice fan, les abeilles meurent, y a plus la mer au Pays basque, c’est un monde ça.

2 - Je me demandais, «les poignées de porte laissent-elles des empreintes émotionnelles au creux de la main» ?

Evidemment, réfléchis un peu quand tu marches sur les pas de Gary dans son appart rue du Bac ou dans la maison de Woolf à Monk's House (les seules pages un peu intéressantes de l'opus vu que ça permet d'y aller aussi sur les pas de), tu sens sa présence : les murs ont une mémoire. Elle s'intéresse à la «langue de l'écriture» (?), d'ailleurs elle écrit son livre dans les deux langues si tu suis un peu, et tous ses voisins de la résidence ont ce cerveau hybride et tellement passionnant (Cf. le sien) de ces enfoirés de bilingues qui pourrissent les cours de langue des pas bilingues, mais on s'égare.

3 - On apprend que les gens ne lisent plus

M'en parle pas, c'est affreux, affreux, «elle l'avait remarqué depuis un moment déjà, rivés qu'ils sont à leurs téléphones» et tout, avec tous ces téléchargements qui nous piquent nos droits d'auteur, dans n'importe quelle langue, remplacés par des images sanglantes horribles, une «débauche de barbarie», des drogués, quoi. Seul mot d'ordre : la résistance, ce sont les livres. Les bons livres, alors, OK Google ?