C’est l’histoire honteuse d’un révolutionnaire qui abandonne ses camarades de lutte à leur sort, et fuit sans se retourner quand des bottes cirées frappent à la porte. L’histoire d’un homme qui cherche non pas le pardon mais l’oubli, et l’obtient. Il en perd jusqu’à son nom, remplacé par la marque de son trench, Perramus.
Après avoir disparu des radars pendant trois décennies, ce chef-d’œuvre du grand Alberto Breccia reparaît enfin. Cri destiné à l’Europe, la bande est taillée en petits chapitres qui devaient faciliter sa publication dans les revues dessinées qui faisaient florès au début des années 80 et y mettre en pleine lumière les crimes perpétrés par la dictature militaire argentine.
Stupéfiant album réalisé en lavis, tout en nuances de gris, en excès grotesques et allégoriques, Perramus synthétise la puissance précise de Mort Cinders, réalisé par Breccia vingt ans plus tôt, et la nébulosité noire du Cthulhu conçu à la fin des années 70.
Un palais graphique dans lequel l’homme sans mémoire court après les morceaux d’âme d’une ville imaginaire, une recherche d’identité qui se confond en tentative de définition de l’identité argentine. Quitte à réinventer le réel, et à faire de Jorge Luis Borges le cerveau de la résistance à la junte, comme s’il fallait réécrire l’histoire pour en soigner les plaies.