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Critique

Ivan Jablonka, un garçon dans le vent

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A travers sa propre enfance, l’historien et écrivain fait revivre dans son nouvel essai les années 70 et 80, entre analyse générationnelle et questionnement sur le genre.
Ivan Jablonka en CM1. (Photo DR)
publié le 6 janvier 2021 à 17h26

Tous les garçons nés en 1973 se ressemblent, mais chaque garçon de 1973 est particulier. Dans Un garçon comme vous et moi, l'historien Ivan Jablonka entremêle son autoportrait à un tableau de sa génération. Elle écoutait Morgane de toi de Renaud et Comme toi de Jean-Jacques Goldman, elle a connu la fin du service militaire, «la montée en puissance du porno» et l'arrivée du sida. A cette époque, dans les dortoirs des garçons en classe de nature, fusait cette plaisanterie : «Vos gueules, les mouettes, marée basse.» Effet garanti, hilarité générale. Cette classe d'âge vivait dans l'atmosphère «pédago» qui suivit Mai 68 : dégagés du militantisme, les parents avaient le temps de se consacrer à leur progéniture en appliquant de nouveaux principes : «Aux yeux de mon père, les enfants étaient supérieurs aux adultes.»

Ivan Jablonka ne dresse pas seulement un état des lieux. A travers une grille d'analyse sociale (davantage qu'historique) très attentive à la question du genre, parfois même trop, il ausculte ce que signifie «être élevé comme un garçon, c'est-à-dire pas-comme-une-fille» dans les années 70 et 80, à Paris, dans la moyenne bourgeoisie. Se prenant lui-même comme objet d'étude, il martèle page après page sa différence : il a toujours cherché «à abjurer [son] identité de dominant». Et il ajoute : «Au milieu des forts, je déclarais que je n'en étais pas un.» Jablonka est normalien, agrégé