Tous les garçons nés en 1973 se ressemblent, mais chaque garçon de 1973 est particulier. Dans Un garçon comme vous et moi, l'historien Ivan Jablonka entremêle son autoportrait à un tableau de sa génération. Elle écoutait Morgane de toi de Renaud et Comme toi de Jean-Jacques Goldman, elle a connu la fin du service militaire, «la montée en puissance du porno» et l'arrivée du sida. A cette époque, dans les dortoirs des garçons en classe de nature, fusait cette plaisanterie : «Vos gueules, les mouettes, marée basse.» Effet garanti, hilarité générale. Cette classe d'âge vivait dans l'atmosphère «pédago» qui suivit Mai 68 : dégagés du militantisme, les parents avaient le temps de se consacrer à leur progéniture en appliquant de nouveaux principes : «Aux yeux de mon père, les enfants étaient supérieurs aux adultes.»
Ivan Jablonka ne dresse pas seulement un état des lieux. A travers une grille d'analyse sociale (davantage qu'historique) très attentive à la question du genre, parfois même trop, il ausculte ce que signifie «être élevé comme un garçon, c'est-à-dire pas-comme-une-fille» dans les années 70 et 80, à Paris, dans la moyenne bourgeoisie. Se prenant lui-même comme objet d'étude, il martèle page après page sa différence : il a toujours cherché «à abjurer [son] identité de dominant». Et il ajoute : «Au milieu des forts, je déclarais que je n'en étais pas un.» Jablonka est normalien, agrégé