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Libération

France 2, 23h05, «Contre l'oubli», documentaire. La Shoah, de la réalité aux shows. Face aux récits des déportés, l'indécente mise en scène de leurs libérateurs.

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publié le 18 décembre 1995 à 11h11

En exagérant à peine, on pourrait dire que la libération des camps

de concentration a inauguré les reality shows. C'est l'une des zones d'ombre de la fin de la Seconde Guerre mondiale que révèle le film de William Karel, écrit avec Jean-Charles Deniau et le producteur Philippe Alfonsi pour le cinquantième anniversaire de la libération des camps. Diffusé en janvier dernier sur France 2, le film vient d'être distingué deux fois au plan international (Emmy Awards et prix Europa 1995). Ce qui a poussé la chaîne coproductrice à le rediffuser. William Karel, déjà épaté que le film soit passé une première fois en prime time, l'est encore plus de le voir présenté et distingué à New York, «à côté de films superbes en 35 mm avec Glenn Close, alors que Contre l'oubli ne montre que douze personnes qui parlent, filmées en gros plan et en vidéo, sans souci d'esthétique ni de recherche». Mais ce dont ces personnes parlent, justement, n'est pas anodin, et le fait même qu'elles parlent est essentiel: le film est construit autour du silence et de la parole. Silence complice ou impuissant des Alliés. Silence plus ou moins imposé aux survivants, alors que parler leur était... vital. Le réalisateur, Israélien vivant en France depuis dix ans, a saisi l'occasion de ce cinquantième anniversaire pour rechercher d'ultimes témoins: «Dans dix ans, il sera trop tard.»

C'est d'abord le silence des Alliés qui, pourtant, «savaient» dès 1942 ce qui se passait dans les camps, même s'ils étaient loin d'imagin