Quatre jeunes alpinistes ayant brisé leur tirelire viennent
d'accoucher le premier numéro d'une revue, joliment titrée Dernier de cordée, qui va tenter de faire son trou à la gauche de la montagne. Fred Breysse, Jean-Marc Clerc, Vasken Koutoudjan et Vincent Merieu ont entre 25 et 30 ans, viennent de Marseille et Grenoble, et se sont rencontrés en montagne. Dans ces «presque 15 pages» vendues 15 F, ils ont rassemblé leur colère brouillonne, leur frustration de ne pouvoir s'exprimer dans les magazines de montagne. La revue a un côté amateur, mais les photos en noir et blanc révèlent un regard original. Au bas de la première page, les mains d'un prisonnier s'accrochent à un faux code barre, et ce clin d'oeil résume peut-être mieux qu'ils ne le font eux-mêmes leur mal d'être (soit, en gros: on vit mal" sauf en montagne, alors si l'on ne peut dire ce qui se passe là-haut, à quoi bon?). Les articles parfois un peu bavards relatent des expériences très personnelles, mais ils ne sont pas signés. Avec de la patience, on y trouvera quelques pépites ou des braises mal éteintes. L'un des quatre anonymes sans doute Vasken Koutoudjan, le plus enragé, un aspirant-guide qui lit le Monde diplo cherche à comprendre pourquoi il est «sang pour sang» d'accord avec Charlie Mingus («en colère tous les jours») et à faire partager son plaisir à retourner en montagne, son dégoût des travaux acrobatiques dont il vit. Alpiniste donc, mais «dernier avatar de l'ouvrier moderne-deluxe, légionnaire