La Havane, envoyé spécial.
La nuit est déjà avancée lorsque Fidel Castro pénètre dans le bureau du Palais de la Révolution où il a l'habitude de recevoir ses hôtes de marque. L'y attendent le président du parlement, Ricardo Alarcon, et le ministre des Affaires étrangères, Roberto Robaina, mais surtout un Américain, Louis Boccardi, le président de l'agence Associated Press. Sur la table est posé un magnétophone, mais Fidel néglige de l'enclencher. Les six heures de conversation qui s'ensuivent resteront donc du domaine de la mémoire des interlocuteurs, et de leur bonne foi.
Au petit matin de ce vendredi 13 novembre, Boccardi repart soulagé: il a obtenu le feu vert pour ouvrir à La Havane une antenne permanente de son agence. AP devient ainsi le deuxième média américain autorisé à travailler sur le sol cubain. C'est une surprise de taille: Fidel avait littéralement envoyé promener, deux semaines plus tôt, 32 patrons de presse américains qui le pressaient de les laisser s'installer eux aussi dans la capitale, à l'exemple de CNN, présent depuis un an et demi et dont le propriétaire Ted Turner passe pour un ami personnel du Lider maximo. Le choix d'Associated Press était d'autant plus inattendu que l'agence incarne symboliquement aux yeux des castristes «l'impérialisme» yankee en matière d'information. Elle avait, par ailleurs, été la dernière entreprise de presse américaine chassée de la patrie de la Révolution, en 1969. Son retour a donc valeur de geste politique, c'est un sign