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Libération
Critique

L'Homme tranquille. Cinétoile, 21 h 20.

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publié le 8 janvier 1999 à 23h28

John Ford n'existe pas. Poète, esthète, tête de lard, artiste,

amiral honoraire, nostalgique du muet, irlandophile? Un jour, il décide que Monument Valley, c'est si vieux et si beau que ça vaut la peine de s'en servir comme un décor exalté pour des romances rouge sang. Un peu comme si Jean Renoir décidait de tourner Toni dans les grottes de Lascaux. Du jamais vu, de l'hérétique, du viol de sépulture. Dans un désert inhabité, on va désormais faire comme si on vivait, comme si on s'aimait, comme si on se tuait. Tout ça parce que l'endroit est photogénique. Fallait oser. Fallait oser filmer ces jeux de gosses en costumes de Peau-Rouge, en costumes de cow-boy, en transe. Raides, dignes, pétrifiés. Du jamais vu, du sur place, du primitif. Ici on gèle, ici on sculpte la glace du désert, ici on brille pour tout le monde au soleil du Rio Grande, tranquille. A 19 h 30, Rio Grande (1950) s'attache aux pas de John Wayne qui piste les Peaux-Rouges à quelques encablures du Mexique. Ce sont des monstres, des bêtes demilliennes, des kidnappeurs d'enfants comme on n'en fait plus aujourd'hui. Juste après, l'Homme tranquille (1952) prouve que le cinéma de Ford sait habilement, mélodramatiquement presque, faire de la propagande pour ses propres scénarios, une définition du cinéma qui en vaut une autre. Dans une Irlande irréelle, étrangement proche de l'Ecosse dansée de Minnelli deux ans plus tard (Brigadoon), un ballet d'affects s'installe sans mot dire entre une belle fille toute simple (Maure