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Libération
Critique

La vie de bourreau. «Profession tortionnaire», France 2, 22h50.

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publié le 16 janvier 1999 à 23h09

Qu'est-ce que ça fait de passer un homme à la gégène, de lui

enfoncer un manche à balai dans l'anus, de lui briser les os à coups de pied et de poing? «Après, j'étais comme après avoir couché avec une femme. J'étais soûlé. L'adrénaline coulait en moi. J'étais vidé.» Cette réponse quasi rimbaldienne émane d'un Sud-Africain, Paul Van Guren, ex-membre des escadrons anti-ANC. Il fait partie des quelques ex-tortionnaires interrogés par Frédéric Brunnquell et Pascal Vasselin. L'idée du reportage est assez osée: inverser le point de vue, généralement tourné vers les victimes de la torture, pour essayer de comprendre le mécanisme psychologique à l'oeuvre dans l'acte de torturer. Pour cela, les auteurs ont parcouru le monde en 52 minutes (Afrique du Sud, Amérique latine, Europe et Moyen-Orient), interrogé un ex-soldat de la guerre d'Algérie, un ex-sergent de l'armée israélienne, une ex-brute de la junte militaire argentine, quelques victimes et un psychiatre uruguayen, Marcelo Viñar. Celui-ci précise tout de suite: «Le tortionnaire n'existe pas en tant que tel. Il agit au sein d'un système tortionnaire destiné à démolir le citoyen pour parvenir à sa soumission.» Hormis les ponctuations explicatives (un peu courtes, d'ailleurs) du psychiatre, les bourreaux et leurs victimes racontent leur expérience singulière. «Je n'étais plus un homme. Ils me considéraient comme un extraterrestre, un cafard, un insecte, dit une victime argentine presque compréhensive; personnellement, si je vois u