La mort, la mort. Avec John Ford, cinéaste de la vie qui va, on
n'en sort pas. Ici, en tout cas, on y va. On fonce dans le mur, le noir total, l'absence, l'oubli. Frontière chinoise, tragédie féministe d'un autre temps, méditation sur l'amour et l'éternité, le désir brutal, la faim. La fin, la faim: entre ces deux pôles, la glaciation fordienne opère un tour à 360 degrés. La dernière séquence de Frontière chinoise, c'est du Mizoguchi. Un nom qu'on invoque souvent, ici, pour signifier l'éternité, la perfection, l'indicible. Pourquoi pas? Et si on pissait de la fenêtre sur les gens qui passent? Et si on allait au bordel? Les préoccupations quotidiennes de Mizoguchi n'étaient-elles pas aussi celles de Ford? Grands gamins, grands conservateurs, amoureux effrayés des vraies femmes (pas des mères, attention, comme Ozu). Grands lyriques, grands esthètes, toujours un peu benêts. Tenants de l'uniforme (Ford) ou du travestissement (Mizoguchi), deux manières pour un homme de jouer les geishas. Le dernier Ford, Frontière chinoise, comme le dernier Mizoguchi, la Rue de la honte, ne parle que du malheur des femmes. Violées, violentées, suicidées. Dans une maison de plaisir, dans un couvent assiégé, elles sont livrées aux derniers hommes. Solidarité des femmes, amour des femmes entre elles, lesbianisme transfiguré, société idéale d'un raffinement inouï, où le sacrifice est absolu, au-delà d'un christianisme réducteur, dans une tentative de panthéisation inédite du monde. Et le film? Et le