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Libération
Critique

L'être sans le paraître. «Conversations avec Claude Régy», Arte, 22h45.

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publié le 19 janvier 1999 à 23h14

Des conversations comme celle-ci sont si rares à la télévision qu'on

en ressort stupéfait. Que s'est-il passé? Aux questions attentives du dramaturge Claude Régy, Nathalie Sarraute répond avec l'intelligence qu'on lui connaît. C'est tout et c'est extraordinaire. Faut-il qu'on soit gavé de paroles vaines pour que cette réflexion sans effet de manche ranime soudain une vitale évidence: l'être humain est passionnant. De même que Freud a inventé la psychanalyse pour ramener à la conscience des fragments enfouis de vécu, l'oeuvre de Sarraute tente de faire accéder au langage le magma des sensations informulables qui régissent le «for intérieur» , ce lieu indicernable qui n'est ni d'une femme ni d'un homme, celui qui se joue de toutes les identités, celui qui pulvérise la «statufication» à laquelle nous condamne la vie sociale. Nathalie Sarraute est tellement détachée de toute vanité et de volonté de séduire que sa pensée jaillit avec une précision et une simplicité admirables, toute à sa quête d'une justesse qui, dans le meilleur des cas, ne fera qu'effleurer cet essentiel toujours occupé à se dérober. C'est ainsi qu'elle évoque, à propos d'un passage d'Enfance, cet état qui n'est ni la joie, ni le bonheur, surtout pas l'extase, un état où «on cesse d'exister», où «on est ce qui est là», un état qui est «la vie à l'état pur». Là où «il n'y a pas de mot». «Dès lors que c'est nommé, c'est fichu». Constat d'échec? Non, invitation à puiser dans cette impossibilité d'exprimer le défi d