Charlot/Malec, Charlot/Frigo, le duel ne date pas d'hier.
Chaplin/Keaton, parallèle increvable, venu de haut, de très haut. Les burlesques sont l'enfance du cinéma. Ils sont le cinéma. Et ces deux-là sont les plus grands. Qui préfère qui? Longtemps, on n'aima que Charlot, le rassembleur des foules, celui qui était à la fois funambule et artiste, Walt Disney et Picasso. Et puis, au moment où la politique des auteurs fit les sublimes ravages que l'on sait, un radical virement vit le jour. Si l'intelligent Godard continuait à clamer haut et fort que Charlot était le plus grand, du côté des puristes comme Rohmer, des tenants d'une esthétique de l'élégance, d'une arithmétique du plan, on commença à dénoncer l'«impureté» de Charlot, son métissage fictionnel, sa sensiblerie dégoûtante, sa «vulgarité». Ici s'agitent évidemment les tenants d'un cinéma des origines, immaculé, blanc comme neige. Les amoureux de Murnau et de Lang, les cinéastes au visage pâle. Mais aujourd'hui, rien n'est plus comme avant. On veut aimer tout. On aime tout. Le noir et le blanc, le faux juif et le mormon, le twisteur et le danseur, celui qui parle avec son cul (à ce qu'on croit) et celui qui parle avec sa tête (à ce qu'on pense). Buster Keaton est l'aristocrate du cinéma muet. Celui qui ne se mélange ni avec les travestissements obscènes de Laurel et Hardy ni avec l'enfance poudrée de Harry Langdon. Le mime, l'artiste, le puriste du cinématographe. Esthétique du trait, fulgurance du premier jet, Matisse,