Sur la photo, ils posent. John Ford est à gauche, l'oeil borgne
artistiquement dissimulé dans le noir. Samuel Fuller est à droite, cigare encore hollywoodien paresseusement tendu en bandoulière. Ils se tiennent la main. Est-ce qu'ils s'aiment? Ce qui est sûr, c'est qu'ils vivent dans une sorte de Maghreb imaginaire, là où les hommes adorent se tenir par le bout du doigt. Ford, ce jour-là, était de passage sur le plateau de Shock Corridor, le film jumeau de Naked Kiss (Police spéciale). La raison de la visite? Ford appréciait la virilité affichée, plutôt classique, du jeune Fuller. Fuller, lui, n'arrêtait pas de répéter que le Mouchard était l'un de ses films préférés, une source d'inspiration constante. Le vieux Ford adorait ce compliment, le Mouchard était l'un de ses films, l'un de ses rares films dont il était fier. Entre eux, un autre point commun, une femme, Constance Towers, qui illumine de sa beauté sèchement conservatrice Naked Kiss et Shock Corridor. Elle était déjà royale dans le Sergent noir. Fuller ne plaisantait pas quand il portait aux nues le Mouchard. L'expressionnisme hurleur et blafard de ce Ford démodé est à la base du lyrisme tordu de ses meilleurs films. Ford, comme le Gance d'Un amour de Beethoven, anticipe sur l'art fullérien de la grimace postmoderne. Twist and shout, un cinéma du déhanchement obscène, de la danse des corps, de la bouche qui regarde dans les yeux. Amour et abjection, comme dit l'autre. Tout ça pour rappeler vite fait que Fuller est u