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Libération
Critique

Fargo. Ciné Cinémas I, 0h15.

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publié le 30 janvier 1999 à 23h23

On aime les frères Coen, leurs scénarios délirants, leur manière

très maligne de jouer avec les conventions des films de genre hollywoodiens pour mieux s'en affranchir. Fargo (1996) est, avec Miller's Crossing (1990), leur plus belle réussite. Les deux sont peu ou prou des polars, mais autant le second est un film de studio à l'artificialité revendiquée, autant le premier se présente comme un «petit» film «réaliste» tourné dans des décors naturels. Il s'agit ici des grands espaces du Minnesota, une plaine qui, sous la caméra hivernale des Coen Brothers, ressemble tantôt à un désert blanc, tantôt à une prison, ciel et terre enneigée se confondant jusqu'à faire disparaître la ligne d'horizon. Cet environnement, vide et monotone, est comme une toile blanche sur laquelle Joel et Ethan Coen vont projeter leurs couleurs: le rouge et le noir. Le rouge est celui du sang qui coule à flots dans cette histoire, insensée quoique authentique, d'un vendeur de voitures qui demande à deux bandits aussi minables que dangereux d'enlever son épouse pour extorquer une rançon à son richissime beau-père. Le noir est celui de l'humour, féroce, des deux frangins, contrepoint permanent à la peur et à la sinistrose que dégage le film. Fargo arrive à faire rire de la banalité pourtant effrayante de ce Midwest profond: les intérieurs ringards; le langage limité à quelques onomatopées traînantes («Yaaar» pour yes ou «nôôôpe» pour no) ou à des échanges de banalité aussi désespérants que le paysage, etc.