Branlette d'images d'un maniérisme survolté, catalogue d'effets
visuels, sommet serein de cinéma filmé. Pourquoi pas? Les Anges déchus fouillent du côté de la répétitivité blafarde et de la sentimentalité trash, là où les road movies minimalement lancinants et cinématographiquement plats de Wim Wenders avaient commencé à creuser un drôle de sillon mélancolique. C'est la version hard de Friends, une sorte de communauté boy-scout éclatée qui met le voyeurisme et le meurtre, l'onanisme et les larmes au programme de ses tribulations sentimentales. La sentimentalité, notez, on n'a rien contre, même en overdose tendance Gloria, pour peu que s'y insinue une vraie tristesse, une mécanique pas trop mécanique, un élan pas trop robotique. Ici, sous couvert de meurtres en série, c'est une frénésie purement jubilatoire qui s'installe, à la manière artificiellement virtuose d'un Scorsese: pure énergie, pure entropie, purs ralentis. Ce qui manque à Wong Kar-Wai, c'est précisément cette impureté à laquelle il croit aspirer (méchanceté, vulgarité, worldisation), engloutie sous des torrents de ressemblance et de retour du même (clônage, inceste esthétique, sitcomisation du monde). Pseudo-avant-garde qui se regarde regarder le monde, alors qu'elle ne fait que filmer un écran de télé, un écran sur lequel défilent métaphoriquement les amours moites et les poursuites hyperréalistes de Hong Kong Connection, une série trop rapide et trop vulgaire (M6, 1990) pour avoir laissé des traces sensibles.
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