Au moment où Chabrol casse la baraque avec Au coeur du mensonge, son
nouvel opus traité un peu partout, comme d'habitude, avec condescendance, il n'est pas inutile de rappeler la splendeur sucrée-salée du Cri du hibou, téléfilm hitchcockien à la grâce méconnue. Une jeune fille à la belle laideur dissymétrique (Mathilda May), un jeune homme sombre et studieux, mystérieusement échappé de quelque dépression nerveuse particulièrement glauque (Christophe Malavoy), un troisième larron à la jalousie teenage et kubrickienne (Jacques Penot), une toile inextricable de passions secrètes et freudiennes, en rase campagne, loin de la foule, loin de tout. Rendez-vous tendrement gastronomes dans un restaurant guindé de province, regards absents, hystérie menaçante. Et encore? Ce qui se joue ici, c'est le jeu des désirs croisés, des non-dits, des pulsions mâles et femelles contradictoires: quand il me suit, je le fuis, quand il s'installe, je m'y fais, quand il veut partir, j'en meurs. De ne pas s'exprimer au grand jour, le désir de Malavoy se fait trouble et attirant, surtout pour la jeune May qui cherche un maître à instruire, à dompter, à charmer. Lui, au fond, il ne fait que fuir. Malade de n'y être pour personne. Etrangement absent dans ses avances mal assurées. Pour qui bande-t-il, ce drôle de fou assagi? Et d'abord, est-ce qu'il bande?
L'intérêt du Cri du hibou, c'est la violence du jeu de ses acteurs. Pris dans l'engrenage déclamatoire de leurs rivalités, tantôt hurlées, tantôt chuch