De son agaçante voix de fausset, Pierre Sled, sorte d'ourson
synthétique, une tête vide sur un corps sain, demande à Amélie Mauresmo, dimanche dans Stade 2: «Vous êtes devenue un phénomène sportif, et même extrasportif, notamment depuis vos révélations concernant votre homosexualité qui a placé votre aura dans un cadre universel" Vous imaginiez l'impact?» Non, elle n'imaginait pas. Et, pour l'instant, elle se contente de sécher. Elle sort de la douche qui a suivi son match perdu. Sa longue crinière humide gonfle à mesure que l'émission passe, accentuant son allure d'amazone. Elle est vêtue d'un costume gris sombre et d'une chemise blanche. De sa mâchoire forte et carrée sort le sourire d'une jeune femme simple, délicate: mi-garçonne, mi-enfant, un androgyne est né. Le naturel est son galop: à cet instant, Amélie est Atalante. Abandonnée par son père et recueillie par une ourse, cette formidable héroïne grecque fut ensuite élevée par des chasseurs. Elle devint plus rapide, plus forte, que la plupart des hommes. Elle blessa le sanglier Calydon, dont la peau lui revint. Elle ne voulait pas se marier. A chaque prétendant, elle imposait une course: son vainqueur seul pourrait l'épouser. Des hommes puissants la défièrent en vain. Enfin, Hippomène l'emporta par la ruse: il lâcha devant elle trois pommes d'or. La jeune femme, curieuse, éblouie, cessa de courir pour les ramasser. Chez les Grecs, l'androgynie a nourri de belles légendes.
La télévision aussi, ce soir, célèbre Atalante