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Libération
Critique

Attention à la marge. La nuit arty expérimentale d'Arte récidive, sans s'assagir. «Switch 2», Arte, minuit.

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publié le 2 mars 1999 à 23h58

Chaque nuit de pleine lune, Arte propose des «images inhabituelles»

pour téléspectateur curieux. Après Switch 1 et sa programmation minimalo-ludique, Switch 2 poursuit l'exploration de la planète arty vidéo avec le journal intime autofilmé de l'Américain underground Nelson Sullivan (décédé en 1989), la saisie géométrique et métronomique de New York par le Français Jean-Claude Mocik, les arrangements corporels et parfois laborieux de Pierre-Yves Clouin, ou bien le travail onaniste de Marie-Ange Guilleminot, qui est un peu à la pornographie ce que Wallace et Gromit est au cinéma, un aparté pâte à modeler assez fascinant. Sans oublier les irrésistibles comiques-chiens de William Wegman, seuls à apporter une note burlesque bienvenue. Tout ça sert de hors-d'oeuvre à un incunable légendaire, Flaming Creatures (1963), de Jack Smith (décédé en 1989), parrainé par Warhol et Jonas Mekas, petit frère en scandale de Jean Genet et Kenneth Anger. D'une partouze en noir et blanc sur fond d'opérette, d'un amas de chair angélico-diabolique, le film tire un chant d'amour queer, une bacchanale camp qui ne dépasserait pas le stade du glam pop'art si ses rituels cérémonieux ne renouaient avec l'inquiétante magie du muet. Le morcellement de l'espace et des corps est au service d'un trouble de la perception, d'un au-delà du réel, merveilleux et grinçant, qui n'est autre que notre imaginaire, si tant est qu'il est, à ce point gavé de trop d'images insignifiantes, encore capable de se déclencher. Pui