Comme l'écrit joliment Alain Riou dans le Nouvel Observateur cette
semaine: «On oublie tout, sauf les films sur la mémoire.» Comment oublier Muriel? N'ayons pas peur des mots: comment ne pas rester marqué à jamais par cette oeuvre époustouflante d'Alain Resnais sur le temps, l'âge et la réminiscence? Boulogne-sur-Mer au début des années 60: Hélène (Delphine Seyrig) et Alphonse (Jean-Pierre Kérien) se retrouvent plus de vingt ans après avoir été amants. Le début de la Seconde Guerre mondiale les a séparés, la fin de la guerre d'Algérie les réunit. Deux mémoires tentent de reprendre contact, dans une ville détruite et hâtivement reconstruite. Le jeune Bernard (Jean-Baptiste Thierrée), beau-fils d'Hélène, revient, lui, d'Algérie avec des images de torture qui l'obsèdent. Tous trois ont un même problème: mettre de l'ordre dans un passé qui les empêche de vivre.
Resnais construit un film subtil et violent, au montage haché, avec la formidable complicité de Jean Cayrol (scénario et dialogues). Nous ne sommes pas là dans une réminiscence proustienne, entre poésie et entomologie, mais dans une expérience traumatique. Tout comme dans l'année dernière à Marienbad (1961) ou Je t'aime, je t'aime (1968), quelque chose s'est bloqué dans le temps, qui ne permet pas aux personnages de vieillir. Or rien n'est plus insupportable qu'un face-à-face immobile avec la mémoire. Il faut avancer, défaire les noeuds, se souvenir afin de pouvoir oublier bonjour, Sigmund! Et cela vaut aussi bien pour u