Il y a des jours de télé comme ce mardi où, par le hasard des images
qui s'entrechoquent au JT, on sent le temps politique passer à la vitesse d'une lumière déjà éteinte. Des moeurs, des mots, des attitudes, des personnages disparaissent, s'effacent, très vite, réellement, symboliquement, et ce que l'on voit là, soudain, envoie le monde politique d'hier dans les limbes, aux archives, et peut-être, pour le spectateur immobile, vers l'oubli et la gêne. Il ne juge pas, ne pense pas: tout va trop vite. Toutes ces nouvelles certitudes qui tombent sur des hommes naguère célébrés, formidables" L'oeil prend simplement acte des ombres qui passent.
Pour la seconde fois, Roland Dumas sort de chez lui sous les caméras en souriant et il entre, en boitant, dans une belle voiture noire. La première fois, le président en suspension du Conseil constitutionnel était encadré par les deux femmes juges qui le chassent. Il boitait et souriait déjà, de ce même sourire élégant, lointain, qui rappelle cette réflexion de Saint-Just à Robespierre, avant que leurs têtes tombent: «L'empire appartient aux flegmatiques.» Puis des images, une minute d'images, rappellent dans les JT sa carrière, comme s'il était mort. Sa carrière? Un seul mot: Mitterrand. On le voit défiler derrière, en mai 1981, haut-félin du pouvoir. Sa chevelure au vent joyeux est argentée; le sourire, déjà, est le même. Il a 51 ans, et pas mal de vies derrière lui; mais sa vie d'images, faite pour les gens à la mémoire née de la veille,