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Libération
Critique

Autarcic Parc, le retour. Suite de l'errance métaphysique d'un navire russe, par Sokourov. «Confession d'un capitaine» documentaire-fiction, Arte, 0h00.

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publié le 14 avril 1999 à 0h43

Deuxième partie de cet ovni visuel, où l'effet sokourovien se fait

de plus en plus hypnotique. En mer Arctique, le navire de guerre russe de Povinnost (dernière oeuvre en date d'Alexandre Sokourov) poursuit son voyage sans destination ni raison d'être, son errance élégiaque rongée par le brouillard et la solitude, et, surtout, comme toujours chez le cinéaste russe, par une menace indéterminée dont on ne doute pas qu'elle balaiera tout, l'heure venue. Aux confins de la fiction et du documentaire (au point de contact science-fictionnesque), Sokourov, qui, jusque-là, avait rarement filmé des groupes, observe une poignée d'hommes enfermés dans les soutes d'un navire lui-même prisonnier d'une immensité hostile: mer infinie, nuit sans bornes, temps insaisissable. A ces marins dont la servitude est totale, il offre patiemment le cadre de son art pour y dormir, manger, travailler, attendre, et combler l'absurdité de leur sort par de minuscules expériences sensorielles. La croyance sokourovienne dans l'acte de regarder (et de filmer) est telle que l'enregistrement du réel devient un rituel mystique, destiné à accueillir l'expression infime de la condition humaine, et plus précisément de cette âme russe qui hante le cinéaste. Dans ce monde autarcique lourd d'un triste mystère, Sokourov introduit la voix off du commandant de bord, narrateur métaphysique qui connecte le film à cette littérature, tant aimée du réalisateur, allant des grands auteurs russes à Melville et à Conrad. Le traite