Inévitablement, un spectre hante le paysage audiovisuel, celui du
tyran délirant. Sur ce thème, dimanche soir, la fiction entrait en collision avec la réalité. Sur Arte, le Dictateur, film de Charles Chaplin (1940) ridiculisant Hitler, était suivi de Ducktators, documentaire néerlandais (1998) sur l'enrôlement des dessins animés disneyens dans l'effort de guerre antinazi. France 2 rediffusait, pour sa part, deux épisodes du désormais fameux documentaire de la BBC Yougoslavie, suicide d'une nation européenne (Brian Lapping, 1995 et 1997), dont le premier était plus spécialement consacré à «l'irrésistible ascension de Milosevic». L'association des noms Hitler et Milosevic a le don de hérisser certains, qui s'empressent de déclarer qu'il ne faut pas «diaboliser» le second. Et il ont bien raison, en effet, comme le montre Lapping: il suffit de le photographier. C'est du moins la conclusion qu'on pouvait tirer de cette longue soirée en tournant le bouton du poste, trop tard hélas! pour que ces images très salubres aient pu profiter à grand monde.
Le Dictateur est sans doute le seul grand film politique qui se laisse voir et revoir. Peut-être parce que l'humour chaplinesque est assez résistant au conformisme bien intentionné, et son barbier trop anarchiste pour se laisser enrôler par les marchands de bonne conscience. Pourtant, confrontée aux images documentaires venues d'ex-Yougoslavie, cette fiction laisse apparaître une lacune: la foule des supporters enivrés est absente aux côté