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Libération
Critique

Embrasse-moi idiot, Paris Première, 21h.

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publié le 22 avril 1999 à 0h25

En vérité, le révérend Thomas F. Little nous l'a dit: «M. Wilder a

malheureusement réussi une oeuvre répugnante de part en part, d'un réalisme totalement repoussant [avec] une action qui frôle perpétuellement la lubricité.» Le saint homme était l'un des membres actifs de la Legion of Decency, ce lobby catholique américain qui, en 1964, mobilisa toutes ses ouailles contre Embrasse-moi idiot (Kiss Me Stupid, 1964). Le sort réservé au film de Billy Wilder est une nouvelle illustration de l'hypocrisie dont peut faire preuve la censure: plutôt que d'admettre que la réalité pose un problème, elle préfère dénoncer le cinéaste lucide qui présente cette triste réalité. Car Wilder, encore plus ici que dans la Garçonnière (1960) ou la Grande Combine (1966), montrait sans fard les tares de la société américaine de l'après-guerre: un goût largement partagé pour l'arrivisme et une conception prioritairement marchande des rapports humains. Le héros d'Embrasse-moi idiot est Orville, un petit prof de piano de Climax, Nevada (le falot Ray Walston), qui tente de vendre une chanson au crooner-Casanova Dino (Dean Martin, très drôle dans son propre rôle). Orville, très jaloux, éloigne sa femme, Zelda, et engage pour la soirée la prostituée «Polly the Pistol» (Kim Novak), qu'il fait passer pour son épouse afin de conclure l'affaire. Le révérend père Little n'avait donc pas tout à fait tort: Embrasse-moi idiot est largement grivois, tant dans son sujet («Climax» = orgasme) que dans ses dialogues q