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Libération

Après coup. Trenet sans fin.

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publié le 19 mai 1999 à 1h04

Un très vieux saurien, presque un varan, apparaît lundi soir sur le

plateau du journal de TF1. Sa tête marbrée de rouge a les reflets d'un tissu fatigué. Deux feux follets couleur violette, scintillant sous la chair fanée, jaillissent de temps à autre. Ils illuminent l'écran d'un gai savoir: ce lézard faustien, c'est Charles Trenet. Il vient annoncer son anniversaire et promouvoir son nouveau disque. Le premier plan sur son visage détruit est un choc. Le téléspectateur a perdu l'habitude de telles surprises. Chaque soir, ces jours-ci, il voit des visages en pleurs, décavés, mais il y est préparé. Il sait que Kosovar égale malheur. Son malaise n'est pas fait de stupeur. De même, il croit savoir que Trenet égale bonheur, fraîcheur, éternelle jeunesse. Il se souvient de photos, vieilles photos. Il avait même imaginé que l'original était mort. Or, il est bien là. Fantomatique, brûlé de vieillesse, mais vivant. Poivre d'Arvor, moelleux: «Vous pouvez nous donner votre, heu" votre âge ou vous gardez ça secret?» «Oui, répond lentement Trenet en souriant. Je peux vous le" révéler.» «Nous le révéler"» fait écho Poivre. «Eh bien! poursuit le chanteur, j'aurai 86 ans demain, et j'entrerai dans ma 87e année. Les gens se trompent toujours. Ils croient qu'on naît à 1 an. Or on naît à 1 jour.» Il croise ses mains devant lui, bascule d'avant en arrière comme un bloc de pierre, massif, à fleur de déséquilibre. «Et je continuerai à vivre, je l'espère"» Il hésite «"Je me donne encore quatre ou