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Libération

Après coup. Cité Kosovo.

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publié le 20 mai 1999 à 1h06

Détendu, enthousiaste, le col de chemise ouvert, Tony Blair visite

mardi un camp de réfugiés kosovars. Les caméras sont là. Pour l'homme politique moderne, la star internationale et l'intellectuel-minute, trois espèces audiovisuelles plus proches qu'il y paraît, la visite aux réfugiés est un moment important: elle fixe une image sainte, image de soi dans l'événement, que les télévisions distribuent. Ce sont trois astres qui ne tournent en orbite que sur eux-mêmes. L'événement est leur faire-valoir, avant et après tout. Ils doivent figurer dans la vignette pour légitimer leurs discours, leurs chansons, leurs films, leurs articles, leurs livres. La foire aux charités est une foire aux vanités.

Tony Blair a mis sur son visage un sourire jeune et entraînant. Ce sourire sympa et indifférent, on l'a trop vu: il semble décalqué, synthétisé, numérisé, perpétuellement rediffusé. Certaines femmes, dans les villes de province, ne sortent jamais sans leur permanente. Blair ne sort jamais sans son sourire: vitre épaisse, large vitrine, véritable gomme à effacer la réalité. Devant ce sourire, les réfugiés sont alignés debout et applaudissent mécaniquement: c'est du moins ce que l'image donne à voir. Le camp évoque alors, le temps de quelques plans, les défunts villages Potemkine: ces villages que le Feld-maréchal russe faisait construire au XVIIIe siècle sur les itinéraires de l'impératrice Catherine, pour masquer son impéritie et faire croire que le peuple allait bien. Les camps de réfugié