Un jour, cette femme a retrouvé son fils en morceaux. Depuis, elle
ne mange plus de viande. Elle dit que cela lui rappelle comment il était. Elle est d'accord pour pardonner. Mais à une seule condition. «L'amnistie, je suis d'accord, explique-t-elle, mais la question est: qui a tué mon fils?» Cet homme a vécu peu ou prou la même chose. Son fils a disparu, tué par les Forces spéciales sud-africaines. «Je n'ai rien contre l'amnistie, assure-t-il, la seule question, c'est: qui et comment?» Cette question du «qui et comment?» irrigue, obsède le film d'André Van In, une somme en deux parties tournée au sein de l'instance chargée de faire la lumière sur les crimes et tortures perpétrés pendant l'apartheid. Son label officiel ressemble à celui d'un ministère orwellien: «la Commission de la vérité et de la réconciliation». Elle a recensé plus de 21 000 dépositions et 7 125 demandes d'amnistie jusqu'à la remise de son rapport final au président Nelson Mandela, le 29 octobre 1998.
Le cinéaste n'a gardé que la première partie du nom de cette commission pour titrer son film la Vérité. Cette ablation, volontaire ou non, est particulièrement symptomatique de l'idée qui se dessine tout au long du document: la réconciliation n'a pas de sens sans le jaillissement de la vérité. La réconciliation d'une victime avec son bourreau ne peut exister sans la recherche simultanée de ce «qui et comment?». La réconciliation, cela suppose un protocole obligatoire, bien précis, presque «technique»: la pro