Une plume excessive et désespérée écrirait ici: le cinéma aurait pu
s'arrêter en 1947 après le Narcisse noir. Quels autres sortilèges restait-il à tirer de la pellicule couleur après que les Britanniques Michael Powell, Emeric Pressburger et Jack Cardiff (à la photo) eurent taillé ce joyau singulier? Il faut avoir vu Deborah Kerr en nonne, filmée en contre-plongée sur fond de montagnes himalayennes, rappelant une de ses consoeurs à ses devoirs et à ses voeux. Cette dernière, binette à la main au milieu d'un champ de patates, a les yeux perdus dans le lointain, plongée dans une contemplation qui lui en a fait oublier l'heure de la messe. Elle répond: «La vue porte trop loin, ici. Je n'arrive plus à me concentrer sur mes pommes de terre. Des souvenirs anciens me reviennent.» Deborah Kerr (gros plan sur quelques centimètres carrés de visage enchâssés dans une cornette blanche): «Alors travaille, ma soeur. Oublie tout sauf le travail.» En guise de réponse, la soeur tend ses mains, paumes vers le ciel d'un bleu profond. Insert sur des cals et des plaies ouvertes.
Black Narcissus ne ressemble à rien de connu, si ce n'est à quelques autres films de Powell et de Pressburger. Son argument est mince: une histoire de couvent en proie au tourment de la chair (l'érotisme sous-jacent du film la seule peau exposée est celle des visages et des mains fera tiquer la censure hollywoodienne de l'époque, qui amputera la version américaine de plusieurs scènes). Mais c'est avant tout une alchim