Depuis que le cinéma existe, il est peu de réalisateurs européens
qui n'aient, un jour ou l'autre, succombé à la tentation d'Hollywood. Soit pour sauver leur peau ménacée dans leur pays d'origine (Fritz Lang, parmi d'autres), soit pour l'argent (des noms! des noms!), soit encore pour confronter leur expérience et les aspirations du Vieux Continent à la civilisation américaine admirée ou honnie. Arizona Dream (1992) ressort de ce choc des cultures, avec pour son auteur, le Yougoslave Emir Kusturica, un projet extrêmement gonflé. Alors que Wenders ou Antonioni, essayaient avec plus ou moins de classe (Paris Texas) ou de casse (Zabriskie Point), de transposer leurs obsessions sur le territoire américain, Kusturica tente, lui, d'emmener l'Amérique toute entière, mythes cinématographiques inclus, dans son propre univers. Le projet était très ambitieux, sans doute trop: à l'exception de rares moments de grâce (les séquences d'introduction et de conclusion chez les Inuits, la longue fête anniversaire de Faye Dunaway), Arizona Dream est souvent cloué au sol par les pesanteurs d'un scénario extrêmement touffu, à la manière des drôles de machines volantes bricolées par Johnny Depp qui, dans le film, peinent à s'émanciper de l'attraction terrestre. Mais depuis le Temps des Gitans, peut-être a-t-on pris l'habitude d'être trop exigeant avec Kusturica. Car à y regarder de plus près, peu de films européens ont su formuler un discours aussi pertinent sur les Etats-Unis de cette fin de siècl