Chaque soir, sur Canal +, à Nulle Part Ailleurs, c'est un spectacle

muet au coeur du bruit et des mots vains: Nagui touche le livre de son invité l'écrivain, n'importe lequel. Il le prend, le pose, le reprend, le brandit d'une main, le caresse de l'autre, semble s'y brûler, retire la patte, y revient, le frôle, le presse, le tripote, l'étreint, tout en parlant vite. Il se passe alors quelque chose: l'émission se met à tourner (à vide, sans le vouloir) autour du modeste ouvrage. Nagui tente d'apprivoiser cet objet étrange, insolite, inquiétant, déplacé, menaçant, admirable, désiré, méprisable, enviable, épuisant, fascinant. Il essaie de le faire sien, de l'adapter au plateau et à son nouveau rôle. Et cette tentative est touchante: elle rajeunit l'animateur, le rend nu. Il avait 37 ans quand il a repris Nulle Part Ailleurs, voilà un mois. Il en a maintenant 18. Bientôt, grâce au livre, cet objet magique, il rejoindra peut-être le ventre de sa mère. En attendant, il semble chaque soir passer son bac ou son certificat, bref, faire ses preuves à l'oral de l'écrit. On le sent intimidé. Nagui, le livre, le plateau, le public, l'Audimat: cherchez l'erreur! souffle l'image; mais cette erreur, la présence du livre, est justement ce qui nous retient encore. Cette tension. Cette faiblesse. Au tout début, un clip montrait Nagui en train de lire dans sa baignoire, au lit, en voiture. «Moi, je sais lire!», riait-il. Il tournait bien sûr en dérision ceux qui pourraient se moquer de lui: cett