Menu
Libération

Après coup. L'étoile polaire.

Article réservé aux abonnés
publié le 28 septembre 1999 à 0h53

On n'avait pas écouté la juge Eva Joly depuis longtemps. «Depuis

trois ans», trompette et répète Ruth Elkrief (dimanche soir, TF1). Trois ans ou un siècle, peu importe. La juge de tant d'affaires est devenue la Thémis moderne: épée dans une main, balance dans l'autre. Voir et entendre celle qui entend et voit les «méchants» est donc en soi un petit événement. Qu'elle l'ait ou non voulu, Joly est désormais une star, et traitée comme telle. Elle a ses gardes du corps, ses journalistes sur le paillasson, ses détracteurs forcenés. Et, bien sûr, elle ne reçoit pas TF1 n'importe où: ni dans son bureau (lieu saint et inviolable), ni chez elle (trop intime), ni dans un restaurant (trop neutre), mais au cercle norvégien de Paris. D'origine norvégienne, la juge personnalise la rencontre par ce symbole. Elle accueille en terre protestante, entre fjords et morale d'Etat: un ambassadeur de la vertu. Elle est venue délivrer quatre messages: elle respecte le secret de l'instruction; elle est humaine; elle fait son boulot face à des superdélinquants en col blanc retors et machistes; enfin, la réforme Guigou, qui soumet la mise en détention à la décision d'un juge tiers, est une «demi-mesure, mauvaise, et d'apparence». Mais ce qui frappe, ce sont sa voix et ses mots. Joly a gardé l'accent pierreux et guttural du pays natal. Mélangeant une précision amphigourique et des tournures insolites, elle a une façon spéciale de minauder rudement. Elkrief: «Ça vous agace, ce qu'on dit des affaires? Ça