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Libération

Après coup. Est-Ouest.

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publié le 30 septembre 1999 à 0h55

Il est environ 20 h 15, mardi, quand le sourire de Mélanie, d'une

fraîcheur carnivore, envahit l'image de TF1. Mélanie est une jeune cadre américaine superheureuse et supermotivée à qui son entreprise, Net 2000, vient d'offrir une BMW. Pour trois ans au moins. Les entreprises américaines, explique le commentateur, ne savent plus quoi faire pour garder leurs employés. Chez Net 2000, tous les jeunes cadres ont reçu leur BMW à 200 000 francs. Mélanie au volant caresse le cuir, passe les vitesses, fait ronfler le moteur. La caméra est placée légèrement derrière: elle en fait une sorte d'héroïne de feuilleton. Puis, sous ses cheveux blonds et ses taches de rousseur, le sourire revient en gros plan et dissout la lumière. Il écrase nos rétines avec son rayonnement tellement positif. Comme le soleil, la mort ou les indemnités de Philippe Jaffré, on ne peut le regarder fixement: il donne le vertige. Il éblouit. Il est si total, si sauvage, si plein de vide, qu'il pourrait même contaminer: nous rendre aveugles peut-être, ou tellement motivés, tellement heureux. C'est le vrai sourire américain exportable: toutes gencives dehors, prêt à bouffer la terre au régime sans doutes et sans sel, avec oeillères d'argent, et la cervelle entre les dents. Un sourire d'une imbécillité nucléaire: il produit une énergie folle, mais qu'il se fissure, et tout s'écroule. Mélanie a 26 ans, débute à 20 000 francs par mois et rêve de stock-options, la vie est belle. Mais, en réunion, la patronne de Net 2000