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Libération
Critique

Ma vie sous les bombes. Une écrivaine serbe se filme comme «une idiote» désarmée. «Journal intime», documentaire. Arte, 22h15.

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publié le 15 octobre 1999 à 1h11

En direct de Belgrade mais pas sur CNN, l'écrivain Yasmina Tesanovic

a commencé à tourner son journal intime le 17 mars 1998, soit un an avant le début des bombardements de l'Otan. Pourquoi? «Parce que je venais de faire la première crise de nerfs de ma vie. J'avais les jambes qui tremblaient, j'étais déprimée, et j'ai commencé sérieusement à réfléchir à ce qui m'arrivait», explique-t-elle. Quelque temps plus tard, les motifs de réfléchir à ce qui lui arrive vont se faire plus précis: les bombes de l'Otan lui tombent sur la tête, à elle et aux 2,3 millions de Belgradois. Filmé au rythme des alertes, ce journal fonctionne donc comme une série de notations psychologiques et concrètes sur le quotidien de la guerre (les coupures de courant, l'absence de pain qu'on remplace par des corn flakes, les voisins qui font comme si de rien n'était"), mais pas seulement. Yasmina Tesanovic tente également une minithéorie politique de sa condition de «victime de guerre». Son journal s'intitule d'ailleurs pompeusement De la normalité. L'opéra moral d'un idiot politique. Elle explique: «L'"Idiot politique, ce n'est pas celui qu'on croit. A l'étranger, les gens en déduisent immédiatement que c'est Milosevic, et je réponds: "Non, non, c'est de moi qu'il s'agit! ["] Dans la Grèce antique, seule une minorité avait accès à l'information. La plupart des hommes et toutes les femmes n'y avaient aucun accès. Et ces gens-là, on les appelait les "idiots». C'est donc comme une idiote désarmée qu'elle se f