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Libération
Critique

Après coup. Tête d'abbé.

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publié le 20 octobre 1999 à 0h58

Procès de la femme Tiberi, procès de l'abbé Cottard: lundi soir, les

présentateurs de journaux télévisés parlent d'une «actualité judiciaire chargée». Chargée, oui, mais chargée de quoi? De têtes. Ce sont deux têtes qu'on attend, servies sur les plateaux des 20 heures; qu'on imagine nous passant sous le nez, lentement, obstinément, comme, dans les restaurants japonais, des sushis luisants, trop éclairés, sur le tapis roulant. Ces deux têtes, celle de Xavière, celle de l'abbé, sont audiovisuellement préparées. Contrairement aux sushis, elles sont cuites: au feu lent des regards, des mémoires, des diffusions. On les a vues, revues. Ce sont des spécimens, des indigènes, des «beaux types de», comme on en montrait dans les expositions universelles. Xavière Tiberi? Beau type de bourgeoise folle de pouvoir, d'orgueil, d'argent; de possédante possédée, puis dépossédée. L'abbé? Beau type de prêtre en soutane d'antan, d'intégriste né pour être caricaturé par Cabu. Ces têtes ont été bouillies, salées, séchées, assaisonnées, réduites, «jivarisées» par la répétition des images. On les a mises dans leurs bocaux. Elles baignent dans le liquide cathodique. Elles sont là, elles arrivent" et puis non: la mairesse a refusé d'être filmée. Le tapis roulant est vide: pas de sushi Tiberi. Et pourtant, les caméras filment. Elles filment la place vide de Xavière, comme si la machine ne pouvait pas croire en son absence: comme si, à force de filmer, la tête allait apparaître, naître de l'acte de filme