Qu'est-ce que la vérité pour un cinéaste? Pour Truffaut, qui n'a dit
la vérité qu'une seule fois dans sa vie de cinéaste (la Peau douce), ce n'est évidemment pas grand-chose. Pour Raoul Walsh, grand entrepreneur de spectacles hollywoodiens, c'est évidemment une autre paire de manches. Au-delà du mensonge, des concessions, des conventions, la vérité d'un personnage l'intéresse. Là où Truffaut bricole (astucieusement, d'ailleurs) un Sonotone pour montrer combien son personnage de réalisateur dans la Nuit américaine est sourd au monde, Walsh doit chercher dans sa seule mise en scène une manière de démontrer l'arrogance et la bêtise suicidaire de ce général Custer qu'Errol Flynn interprète avec une prestance presque aristocratique dans la Charge fantastique (They Died with Their Boots on). On est en 1941, les scénarios américains font encore la part belle aux héros blancs, aux justiciers. Sept ans plus tard, tout a déjà changé et John Ford, dans Fort Apache, peut reprendre le même personnage (joué par Henry Fonda) et le présenter sans prendre de gants comme un tueur de Peaux-Rouges particulièrement borné. Entre ces deux films, au-delà de leurs scénarios presque opposés, de leur style différent, un même art de l'ambiguïté est à l'oeuvre, qui permet au spectateur de ne pas condamner tout à fait Fonda chez Ford, de ne pas admirer Errol Flynn les yeux fermés chez Walsh.
C'est ce qu'on aime dans le grand cinéma classique, cette démocratisation étrange du rapport entre le personnage et