Le dimanche chez Daniela Lumbroso, le thé est servi juste avant 16
heures. Elle reçoit Amélie Nothomb, fille de diplomate et auteur de Stupeur et tremblements. C'est tout juste si la conversation n'est pas couverte par le tintinnabulement des cuillères sur les tasses en kaolin recuit. Un petit cookie? Daniela: «Votre livre s'est déjà vendu à plus de 200 000 exemplaires. Comment pouvez-vous l'expliquer après coup?» Daniela rappelle que Stupeur et tremblements raconte l'histoire d'une jeune fille belge qui travaille dans une entreprise japonaise et devient le souffre-douleur de sa hiérarchie. Amélie: «Une lecture confortable de ce succès voudrait que seules les entreprises japonaises passent pour des endroits épouvantables. Mais pas du tout.» Daniela: «N'est-ce pas alors une caricature, un trait forcé de l'entreprise française?» Amélie: «Non, non. Mon livre n'est en rien une caricature.» Puis les deux chéries s'écartent un tantinet du sujet. Prouti-proutant, Daniela emmène Amélie sur son âge (32 ans), le nombre de traductions (dix-huit, plus trois à venir), le suicide des femmes au Japon" Amélie répond gentiment à coups de «en ceci» et de «mèzégalement», sous-entendu: ma chère. Encore un petit cookie? Amélie: «Si ce livre était paru avant 1995, je pense que les gens auraient été moins réceptifs.» 1995? Le mouvement de décembre 1995, les cheminots, «tous ensemble», la grève par procuration, la «chanson grave», comme disait joliment Anouk Grinberg dans un portrait paru dans Libé?