Deux thèmes, pas plus, travaillent le cinéma français des années 90,
la nostalgie du lien social et la redéfinition du territoire exotique des sentiments. En 1944, quand Jacques Becker commence le tournage de Falbalas, un curieux mélodrame tragique et mondain situé dans le monde de la haute couture, il sait parfaitement, comme le rappelle Lourcelles à propos de Casque d'or, que «les héros sont victimes de leur condition sociale autant que de leur destin individuel». Les liens sociaux existent, les rapports de classe aussi, les sentiments encore plus. On ne peut pas en dire autant aujourd'hui. On rirait de l'histoire d'amour entre le couturier Raymond Rouleau et sa fatale inspiratrice, Micheline Presle. Seuls des pédés, peut-être, pourraient encore s'y retrouver. Les raisons du succès d'un beau film comme Marius et Jeannette sont précisément là, dans cette nostalgie du social et du sentimental. Et si seulement on pouvait être comme eux? Et si tout était plus simple? Et si c'était encore possible?
Devant un Becker, un Renoir, un Ford, il n'y a rien à dire. On pleure, on rit, on se quitte. C'est le cinéma du samedi soir, un cinéma encore populaire, travaillé par les sentiments et la classe ouvrière. A quelques jours de l'an 2000, le cinéma en tant que tel n'existe plus. Il est un sous-produit de la télé, elle-même sous produit d'une industrie mondiale du jeu et du divertissement. Les enfants dirigent le monde. D'autres enfants, un peu plus grands, un peu plus cyniques, un peu plu