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Libération
Critique

Pendez-moi haut et court. Ciné Classics, 20 h 30.

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publié le 7 décembre 1999 à 2h26

On avait envoyé les enfants se coucher. Quand Robert Mitchum

apparaissait, on les envoyait toujours se coucher. La Nuit du chasseur les avait terrorisés. C'était mal les connaître, les enfants. Ils avaient rêvé des mois à ce père assassin, si beau, si noir. A croire qu'ils auraient voulu qu'il tente de les égorger eux aussi, comme dans la Nuit du chasseur. Les parents savaient que Jacques Tourneur avait une règle, suggérer plutôt que montrer, élaborée en trois films de terreur jamais égalés, Cat People, Leopard Man, Vaudou. Raison de plus pour se méfier, pour éloigner les enfants. Pourtant, Pendez-moi haut et court, le plus célèbre Tourneur, n'est pas un film d'horreur. C'est un thriller qui explore l'inextricable et l'inévitable, dans un univers d'angoisse qui colle à la peau des personnages, de vrais esthètes plutôt que de banals gangsters. Ici, chaque acteur vampirise son personnage, au nom d'un pacte clandestin avec les puissances de l'invisible. Tourneur n'aimait pas beaucoup ses films. Il trouvait qu'on y parlait trop bas et que les acteurs se ressemblaient trop, deux défauts rédhibitoires à ses yeux. Savait-il seulement que c'était sa marque, son génie? Il était ailleurs. Il rêvait de montrer les rapports entre le peuple des vivants et celui des morts. Projet inabouti dans lequel la peur n'aurait été qu'une occasion de dépassement, une manière concrète de faire connaissance avec l'au-delà. On ignore comment il aurait montré cet apprentissage du royaume des morts. En p