Depuis trois jours, la marée noire envahit les JT. Mercredi soir, le
glaire de pétrole rendu par l'Erika se fragmente en petites nappes qui se divisent et se multiplient, comme des cellules vivantes. Les caméras de France 2 passent et repassent au ras des flots, offrent une orgie de travellings aériens. Il faut bien le dire: c'est affreux, mais c'est beau. A l'image, rien ne vaut une longue nappe de pétrole sur l'eau: on dirait un foulard de soie noire posé là par une géante lascive. On ne se lasse pas de la regarder. On ne se lasse pas d'avoir peur. Soir après soir, on entre dans l'intimité de cette matière. On se familiarise avec sa consistance et ses dangers, en attendant la catastrophe. Le feuilleton de la nappe rappelle certains films d'horreur: par exemple Fog, de John Carpenter, où un brouillard menaçant et plein de fantômes avance et tue les hommes qu'il avale. La Menace noire, a titré France 2. Un reportage examine le pétrole que les bateaux n'ont pas pu pomper, tant il est épais. Les caméras zooment dessus. Le goudron semble coller à l'écran. Il a d'énormes possibilités métaphoriques, culinaires. Un expert dit: «Il semblerait que l'émulsion s'inverse. La mousse au chocolat qui s'est formée est stable. Elle ne devrait plus capturer d'eau.» Mousse au chocolat, pourquoi pas? Mais aussi: énorme plaque de réglisse, sauce chop-suey pour accompagner plat T133 ou menu vapeur à 65 francs, ou encore, cette mélasse vitaminée et enrichie au miel que certains Cubains donnent à l