Ils sont 120 000. Le continent noir de l'Education nationale. Des
gamins de 12 à 18 ans hors normes intellectuellement, physiquement ou dans leurs comportements. Pas assez décalés néanmoins pour relever des structures spécialisées. Depuis que Lionel Jospin a décidé, en 1989, qu'aucun élève ne devait sortir du système éducatif sans qualification, l'école est bien obligée de s'occuper d'eux. Comme ils ne suivent pas dans l'enseignement ordinaire, ils se retrouvent en Segpa (section d'enseignement général et professionnel adapté). Sujet tabou: l'échec scolaire, on en parle, mais on ne le montre pas. Trop risqué pour ceux qui sont censés le combattre.
De 1995 à 1999, Vincent Maillard a suivi trois des ces enfants: Sabrina, Stéphanie et Raphaël. Des ados attachants, sensibles, qui ne demandent visiblement qu'à faire plaisir à la terre entière. Et qui rament. Dans cette Segpa de Meulan (Yvelines), on est pourtant loin de certains établissements où l'institution profite de l'existence de ces sections pour se débarrasser de tous les élèves en difficulté, à commencer par les plus intenables.
Pourtant, une autre violence affleure en permanence. Celle d'un système intolérant à la différence qui, dès le départ, a rejeté sans autre procès ces élèves trop lents; celle de ce père blessé d'avoir une gamine qui ne fera pas d'études et qui lui lâche, entre la poire et le fromage, qu'elle est «presque illettrée»; celle des élèves eux-mêmes, quand ils ne trouvent pas les mots pour dire qu'on peu