Berlin, de notre correspondante.
La légende du brave éditeur de bibles va prendre un méchant coup: la maison Bertelsmann fut aussi le plus grand éditeur de brochures de propagande de l'armée nazie durant la Seconde Guerre mondiale, a révélé hier la commission indépendante d'historiens mise en place par le groupe pour examiner son passé de 1933 à 1945. Parmi les quelque 75 millions de livres et brochures commandés par la Wehrmacht pour soutenir le moral de ses soldats, C. Bertelsmann (le nom de la maison à l'époque) en a publié plus de 20 millions, soit près d'un quart du total, a compté le groupe d'historiens réunis sous la présidence de l'Américain Saul Friedländer. C. Bertelsmann fut ainsi la première maison d'édition de la Wehrmacht, avant même l'éditeur du parti nazi qui se classe deuxième, avec 11,6 millions d'exemplaires. L'affaire a grandement profité à la maison Bertelsmann: son bénéfice a grimpé de 284 191 en 1938 à 3 259 730 Reichsmark en 1941.
Résistance. La commission, mise en place l'an dernier après que la presse eut accusé le groupe d'occulter son passé, montre aussi que le patron de l'époque, Heinrich Mohn, qui faisait jusqu'à présent la fierté de la maison pour avoir été membre d'une Eglise protestante en résistance contre la politique religieuse du régime, avait aussi une face noire. Adhérent dès 1924 d'un parti national-allemand antirépublicain, Heinrich Mohn fut aussi membre bienfaiteur des SS, un cercle de généreux donateurs qui ne participait certes pas