On pouvait encore voir, lundi soir dans le journal de TF1, un
impressionnant et long survol en hélicoptère des monts rasés des Vosges. «C'est comme Verdun après des mois de pilonnement d'artillerie», s'emportait le reporter. Puis, en Dordogne, apparaissaient les soldats du 21e RIMa transformés en infirmiers arboricoles. Là-bas, 80% des noyers sont tombés. Les plus jeunes sont replantés. Survivre, revivre? Ils ont une chance sur deux. A l'image, un tracteur entouré de treillis relevait lentement un noyer préalablement élagué, pour le réinstaller dans son berceau de terre, «en délicatesse», disait un militaire. Ce plan rappelait une vieille histoire: les arbres de la liberté plantés sous la Révolution. La France était jeune, alors, et le sang et la sève coulaient partout, dans les veines et hors des cous. Il y avait plus d'avenir que de passé. Deux siècles plus tard, le noyer de Dordogne est l'arbre de la nostalgie, de la fragilité. La télé l'a parfaitement compris: l'arbre est au centre du rêve français. Il symbolise le vieux pays narcissique et cultivé, si fier de son histoire, de ses mille ans, de sa position perdue de nombril du monde. Métaphore déracinée de la tempérance et de la lourdeur d'un pays dont la coque est recouverte, comme le vaisseau fantôme, d'un épais limon de mémoire. Quand de Gaulle est mort, Jacques Faizant, à la une du Figaro, dessina une Marianne pleurant sur un chêne abattu. Pour comprendre les effets psychologiques de cette tempête, il faut multiplier