Menu
Libération
Critique

Frontière chinoise. Action, 20 h 40.

Article réservé aux abonnés
publié le 24 janvier 2000 à 21h44

La mort, la mort. Avec John Ford, cinéaste du présent absolu, on

n'en sort pas. Ici, en tout cas, on y va. On fonce dans le mur, le noir total, l'absence, l'oubli. Frontière chinoise (Seven Women, en v.o.), tragédie féministe d'un autre temps, méditation sur l'amour et l'éternité, le désir brutal, la faim. La fin, la faim: entre ces deux pôles, la glaciation fordienne opère un tour à 360 degrés. La dernière séquence de Frontière chinoise, c'est du Mizoguchi. Un nom qu'on évoque souvent, ici, pour signifier la perfection, la transparence, l'indicible. Et si on pissait sur les passants qui passent? Et si on allait au bordel? Les préoccupations quotidiennes de Mizoguchi n'étaient-elles pas aussi celles de Ford? Grands gamins, esthètes effrayés, conservateurs, épouvantés par les vraies femmes (pas les mères, comme chez Ozu). Grands lyriques, grands primitifs, pas complètement «finis», toujours un peu arriérés, un peu benêts. Tenant de l'uniforme (Ford) ou du travestissement (Mizoguchi): à chacun sa manière de jouer avec les geishas. Le dernier Ford, Frontière chinoise (1966), le dernier Mizoguchi, la Rue de la honte (1956): deux films qui ne parlent que du malheur des femmes. Femmes violées, violentées, suicidées. Dans une maison de plaisir, dans un couvent assiégé, elles sont livrées aux derniers hommes. Solidarité des femmes, amour des femmes entre elles, lesbianisme transfiguré, société d'un raffinement inouï où le sens du sacrifice est absolu, au-delà d'un christianisme r