Jugement moral sans doute très con: comment peut-on avoir envie de
filmer ça? Brutalos, court-métrage de Christophe Billeter et David Leroy, raconte comment le clébard d'un couple avec enfant, dans un pavillon banalement sinistre, ne résiste pas, une nuit, au plaisir de becqueter le mouflet. Comment peut-on filmer ça sans s'amuser, c'est-à-dire réalistiquement, en se cherchant en plus une légitimité du côté de la réalité («Tiré de faits réels», peut-on lire en préambule)? Les histoires de bébés bouffés par des rats, dévorés par des fourmis rouges ou démantibulés par des parents tortionnaires n'ont jamais manqué, sans oublier les nourrissons étouffés vifs entre les seins d'une nourrice s'endormant malencontreusement à l'heure de la tétée. Mais Brutalos ne semble pas vouloir se contenter d'être un petit film d'épouvante, il ambitionne, semble-t-il, de capter quelque chose de l'effroi des parents découvrant les reliquats du festin de leur chien. Il ignore en cela qu'une bonne partie des sentiments humains ne sont pas représentables frontalement, mais seulement et peut-être, par la suggestion, l'ellipse, la métaphore et tout le bastringue qui, justement, fait les délices du septième art. Brutalos théorise également sur le cannibalisme: le père se fait une cuisse de poulet en pleine nuit tandis qu'à l'étage au-dessus le chien lui bouffe son fils. Juste retour des choses? Mais c'est bien sûr! Brutalos est un film végétarien, pardon d'avoir mal compris. Dans ce Spécial Aberrations p