Décidément, Bowie est très fort. Vous connaissez beaucoup d'artistes
à succès, surexposés dans les médias à chaque fois qu'ils bougent le petit doigt (ou pire, lorsqu'ils sortent un nouveau disque qui fissure toujours un peu plus le mythe), qui, malgré toutes les réticences, finissent à tous les coups par vous embobiner? Ce documentaire ne démarre pourtant pas sous les meilleures auspices. Tourné il y a trois ans, l'année des 50 ans de David Jones, le film impose l'image d'un Bowie dans un des looks les plus craignos de sa longue vie de transformiste: celui d'Earthling, avec cheveux courts hérissés et bouc roux, genre le retour du cauchemar de Jordi. S'enchaînent, avec en fond une voix off neuneue (exemple: «En trente ans de carrière, David Bowie a incarné nombre de personnages.» Non? pas possible!), les clips rougeâtres vus et revus du concert d'adieu à Londres, en 1973. On est à deux doigts de décrocher lorsque la star se lance dans une tirade vibrante sur Vince Taylor, rocker loser magnifique inspirateur de Ziggy. Puis on découvre ces extraits nettement plus rares, filmées au cours de la tournée Diamond Dogs aux Etats-Unis, en 1974. L'idole glam s'est métamorphosée en soul boy anorexique, les traits émaciés rongés par on ne sait quelles substances et un régime composé exclusivement «de lait et de poivrons». Et, mine de rien, on se trouve repris, fasciné par ce caméléon surdoué au charisme unique. On le redécouvre en gigolo cold, à Berlin, se réjouissant de replonger da