Au football, il n'y a que les mauvais joueurs ou les génies pour
garder trop longtemps la balle. Quand Ségolène Royal prend la parole, dimanche soir sur TF1 (19:00, dimanche), c'est comme eux pour ne plus la rendre. On a dû lui apprendre un jour cet axiome de muflerie audiovisuelle: lorsqu'on tient l'os, il ne faut plus le lâcher, puisque le temps qu'on s'approprie, c'est autant de moins pour les autres. Mais on a dû oublier de lui dire que, comme au football, pour jouer perso, il faut être captivant. La ministre déléguée ne captive pas: elle capture; et rend fou d'agacement, comme dans une salle de classe, ses élèves-prisonniers. On est là, pris dans les filets de cette voix rêche, édifiante, obstinée, cette voix de bourgeoise cirée comme un vieux parquet; coincés dans ces phrases de mère-la-morale qui n'en finissent pas plus qu'un repas du dimanche, ou n'en finissent que pour lancer la suivante, et la suivante, à peine troublées par les «mais"», «heu"», d'une Ruth Elkrief exaspérée qui cherche en vain, dans ce mur de mots, une fente par où glisser quelque lézard. Les phrases de Royal, c'est la tarte aux fraises dominicale (pâte sablée, crème pâtissière). Vous avez dix ans et venez d'endurer deux heures à table, deux heures de propos bien-pensants, quand soudain, la tarte aux fraises arrive. «Les enfants, qui veut de la tarte aux fraises? dit la voix de Royal. Une petite part, il en faut pour tout le monde! Clémence, tiens-toi droite! Julien, sers ta soeur d'abord!» L'en