Menu
Libération
Critique

Fassbinder, cinéaste kamikaze. Les derniers tournages du génie du cinéma allemand. Pour aficionados. «Les Derniers Feux de Fassbinder», documentaire, 14 h 10, Planète.

Article réservé aux abonnés
publié le 9 février 2000 à 22h21

Ce n'est pas un documentaire. Juste des fragments de making of

agglutinés, des images volées sur les tournages, des plans errants. Au centre de chacun d'eux, un type corpulent vaguement titubant. Sourire grimaçant, regard en planque derrière des paupières bouffies. Rainer Werner Fassbinder, astre sombre dont Godard disait qu'«il était mort d'avoir inventé à lui seul le cinéma allemand de l'après-guerre». Bourré, défoncé (cocaïne entre autres). Après Berlin Alexanderplatz (neuf mois de tournage, treize épisodes pour la télé) et Lili Marleen, il venait d'achever Lola, une femme allemande et prétendait s'être enfin débarrassé de la «peur obsessive» qui le pétrifiait avant chaque film (quarante en treize ans d'activité) quand le (réputé très mauvais) cinéaste Wolf Gremm lui proposa le rôle futuriste d'un inspecteur en tenue léopard dans Kamikaze. Gremm obtint ensuite de suivre Fassbinder sur le tournage de ce Querelle à l'intense beauté factice qui se voulait l'équivalent cinématographique de la poésie de Genet. Quelques mois avant sa mort, d'épuisement, à 37 ans, Fassbinder est donc là, bashi sur la tête, verre de bière permanent à la main, quatre paquets de cigarettes par jour. Ces images pour aficionados rappellent à quel point Querelle est un film dans un état second tourné par un cinéaste en état d'hypnose. Fassbinder consume sous nos yeux ses derniers watts d'énergie, il n'est plus qu'une présence-absence, un esprit à éclipses, à charge pour sa troupe fidèle de combler les